(nouvelle publiée dans le journal des étudiants du Collège de St-Maurice en 1980)
Ceci est le rapport final de l'androïde ESU 663537 K aux maîtres de la planète R'DI
concernant l'étude de la civilisation dé type animale avancée au premier stade de
développement dominant la troisième planète du système No G4659NN23. Selon vos
instructions, je pris place il y a 33 révolutions planétaires dans un organisme
reproducteur d'un individu de cette espèce animale. Grâce à une suggestion mentale, je
réussis a passer inaperçu de cet animal. J'entrai dans mon activité normale 3/4 de
révolution planétaire. Dès cet instant je pus tirer les conclusions suivantes:
- les habitants de cet endroit bizarre sont d'une cruauté plus forte encore que tout ce
que nous avons ren contré au cours de nos recherches antérieures.
- il n'existe aucune hiérarchie basée sur des principes rationnels. Toute la valeur de
l'individu est jugée proportionnellement à sa force physique, qui est très grande. (les
seules sources d'énergie utilisées pro viennent d'organismes que les habitants traitent
dédaigneusement d'animaux... )
En conséquence,. et suivant vos ordres, je décidai de mesurer les trois
caractéristiques habituelles, à savoir le degré de naïveté, l'ouverture d'esprit aux
idées nouvelles et la rapidité d'assimilation de ces dernières. Je constatais, avec
toute la surprise que mon état me permet, que jamais auparavant des résultats semblables
n'avaient été obtenus. En effet, le troisième point est aussi faible que les deux
premiers sont forts, ce qui est en contradiction absolue avec tous les principes
régissant les types de civilisation organisée connus. Il semblait, l'expérience me le
prouva par la suite, que cette civilisation soit incapable de se maintenir dans un état
stable de non-violence et de tolérance mutuelle.
La suite de ce rapport vous conte mes expériences face à cette civilisation et le
résultat désopilant qui m'amène à vous faire parvenir la présente missive. Je
constatais dès le début de ma recherche l'habitude étrange qu'ont ces animaux de
vénérer des êtres mythiques autant qu'imaginaires. J'eus alors l'idée, pour mesurer
les trois points susmentionnés, de dispenser un enseignement moral diamétralement
opposé à régnant traditionnellement sur la planète. Je prêchais l'entente et l'amour
entre eux, la valeur du Bien aux yeux d'un des êtres mythiques issu de leurs croyances.
A ma grande surprise, je fus assimilé à un envoyé de ces puissances occultes.
Décidant de poursuivre le jeu, je m'attirai la sympathie de bon nombre de ces animaux,
alors que d'autres, d'une race légèrement différente, me haïrent très profondément.
Autour de moi se fixèrent alors une dizaine d'auditeurs fidèles qui transmettaient mes
messages à d'autres que je ne pouvais rencontrer. Je fus frappé par le manque de
solidarité entre les individus possédant la nourriture et les biens matériels et ceux
qui en étaient demandeurs. Ceci me décida à me ranger aux côtés de
ces derniers, ce qui m'attira l'hostilité des premiers.
Je me mis à parcourir les environs de l'endroit où j'avais enquêté jusqu'ici. Les
accueils différent s que je reçus alors me plongèrent dans une réflexion qui faillit
tourner au court-circuit. Je pensais ne pas pouvoir chiffrer les trois points
d'investigation étant donnée la grande diversité des réactions à mon endroit. Je sus
bientôt que les individus riches et ceux détenant le pouvoir désiraient m'éliminer
physiquement. Remarquez ici la cruauté sans nom de ces êtres qui
n'hésitent pas à supprimer la vie d'un de leurs semblables pour un mince avantage
matériel. Donc on voulait me nuire, mais il semble que des précautions durent être
prises par mes ennemis, étant donnée la grande popularité dont je jouissais, les
individus demandeurs de nourriture étant plus nombreux que ceux la possédant.
Il semble, selon mes premières estimations, que ces derniers craignaient que mes protégés ne les dépossèdent de
leurs biens sur mon initiative, ce qui d'ailleurs n'aurait pas été un mal en raison de
la forte teneur en glucides (dangereuse a trop grandes doses) de la nourriture des riches.
Je veillais dès lors à ne point m'éloigner de mes plus fidèles amis, redoutant un
événement qui aurait mis fin prématurément à ma tâche. Il semble alors s'être
produit un fait d'une portée inqualifiable que je vous laisse le soin d'interpréter,
n'ayant pas été prévu pour un travail aussi complexe. Il semble donc qu'un de mes
fidèles auditeurs ait fourni à mes détracteurs des renseignements leur permettant de se
saisir de mon organisme en échange d'un certain nombre de pièces métalliques servant de monnaie
d'échange.
Ce fut au moment ou je songeais au prochaines prédications que je pourrais faire que
surgirent quelques animaux munis de perches végétales ornées d'un prolongement
métallique (d'un autre métal que celui qui sert à faire des échanges) que
j'identifiais rapidement comme étant des armes. Ils se précipitèrent vers moi et
m'entraînèrent auprès d'un de leurs supérieurs hiérarchiques, quelqu'un de plus
puissant donc. Celui-ci prétendit alors que je représentais un danger pour l'ordre (ce
mot me surprit beaucoup) établi dans cette partie de la planète et qu'en conséquence je
serais jugé le jour suivant. En attendant, on m'enferma dans un étroit réduit en
compagnie d'animaux quadrupèdes plus petits que ceux dont je m'occupais mais
vraisemblablement plus intelligents, à tel point que je me demandais si ce n'était pas
eux les véritables maîtres de la planète.
Arriva donc le jour de ma comparution devant la justice de ces êtres décidément
curieux. Jamais un tel amusement ne m'avait parcouru les circuits, même lorsque je vis un
jirtz enfant apprendre à se nourrir à l'aide des 782 instruments adéquats sur la
planète Crgbz il y a une demi durée de vie de proton de cela, c'est vous dire... Donc,
à mon jugement, un certain nombre de personnages rocambolesques, que pour la plupart je
n'avais jamais vus, se mirent à défiler devant moi en pointant dans ma direction un de
leurs appendices en disant à un homme vêtu d'étrange façon qu'ils me reconnaissaient,
que c'était moi, qu'il n'y avait pas de doute, ce en quoi je suis parfaitement d'accord.
Je songeais alors à la manière qu'ils allaient utiliser pour supprimer les réactions
électrochimiques de mon organisme.
Absorption d'une substance toxique puissante ou choc brutal exercé en me projetant du
haut d'une falaise ? La sentence fut bien plus étonnante. Songez plutôt elle consista à m'exposer dans une position d'extension
prolongée au rayonnement de l'étoile du système, et ceci au sommet d'ure croix de bois
que je devrai transporter jusque sur les lieux du supplice. Mon rapport se termine donc
ici. Je vous prie de bien vouloir venir me récupérer d'ici trois rotations dans une
excavation de roche près de l'endroit où vous m'avez débarqué. Veuillez agréer, Vos
Honneurs, mes salutations distinguées.
Ph. Guglielmetti
(nouvelle publiée dans le journal des étudiants du Collège de St-Maurice en 1980)
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